Il fallait absolument que je montre la reproduction de la gravure que l'on trouve partout à Kalambaka. Je n'arrive pas à trouver la date à laquelle elle a été créée. Elle n'est pas tout à fait impartiale, car le Grand Météore ne domine pas Varlaam aussi nettement. Mais elle doit reproduire l'ambiance qu'il y a eu du 15ème au 19ème siècles, voire début du 20ème ... J'espère qu'on pourra apercevoir les détails dont elle fourmille !
Au début du 21ème siècle il n'y a plus que six monastères et il n'est pas nécessaire d'y accéder par les échelles de bois articulées, que les moines acceptaient de dérouler s'ils voulaient voir le visiteur,
ou de se recroqueviller dans un filet de corde comme un pèlerin ou des marchandises pour se faire hisser jusqu'à la tour qui abrite un treuil.
Il suffit d'escalader les 140 à 200 marches des escaliers pour arriver à l'entrée. Que l'on ne franchit que les épaules couvertes, en jupe ou robe pour les dames, et pantalon pour les messieurs. De grandes "jupes" porte-feuille nous sont prêtées si nous n'avons pas la tenue requise !
Et maintenant à nous les merveilles des monastères ! Bizarrement leur faste atteint son apogée pendant la période ottomane : la loi islamique préconisant la reconnaissance des autres religions l'église orthodoxe conserva ses immenses propriétés terriennes et ses trésors. En échange de quoi elle devait garantir la loyauté des chrétiens vis à vis de l'état islamique.
Varlaam du nom du premier ermite qui occupa ce sommet au milieu du 14ème siècle. Au 16ème siècle deux frères d'une grande famille de Ionnina y grimpèrent pour y vivre leur ascèse et fonder une communauté. Les riches présents qu'ils apportèrent permirent la transformation de la chapelle et des cellules de bois ...
L'église principale fut achevée en 1544. Bel assemblage de pierres et de briques, coupoles sur tambours. Dédiée à Tous-les-Saints les fresques dont les parois intérieures sont entièrement couvertes représentent
tout (?) le martyrologue orthodoxe grec, son panthéon, la mise en croix de Jésus,
la Dormition de Marie,
les fondateurs qui tiennent la maquette de leur projet, et Saint Jean Baptiste toujours représenté avec une pilosité semblable à une fourrure .
Une particularité de l'époque : les grands théologiens du monastère, à genou à côté d'un cercueil, en discussion avec les philosophes antiques, ou du moins ce qu'il en reste !
Le musée présente une partie du trésor du monastère, des ciboires, des croix d'or, des icônes très anciennes,
des manuscrits enluminés ...
mais un moine est venu nous dire très courtoisement que les photos sont interdites !
Nous passons aussi par la cuisine où il reste encore quelques fresques, et le matériel qui a survécu aux destructions de la seconde guerre mondiale. Les monastères des Météores etaient-ils des refuges de résistants ? Toujours est-il qu'ils ont tous subi des bombardements et des pillages de la part de l'armée allemande.
C'est peut-être pour ça que le Grand Météore (Météores : "élevés dans les airs") présentent un musée plus guerrier que religieux !
Avec des documents à la gloire des résistants et surtout résistantes, des uniformes qui nous semblent étranges, avec la jupette des Evzone, gardes du palais d'Athènes, mais de couleur kaki ici pour le champ de bataille.
On accède dans ce labyrinthe par les communs : cellier équipé d'un fut colossal (13 000 litres) et historique et de beaucoup de petite taille. Il y a aussi des cruches ... Il était possible d'entreposer beaucoup de liquide ... Il est vrai que dans ce monastère qui prit la direction spirituelle de l'ensemble, il y eut jusqu'à trois cents moines. L'eau était peut-être aussi difficile à amener ou à garder sur ces pitons de grès ? Mais l'ascèse n'était plus tout à fait celle de l'origine ...
L'ossuaire est sur le même niveau. On peut voir que les défunts semblent conservés bien alignés, mais étrangement alignés !
On franchit quelques étages et on arrive dans le catholicon, l'église principale, dont la partie la plus ancienne date de 1388. Bien sûr les murs, la voûte et la coupole sont couverts de fresques.
Le mobilier est riche, chaire, lutrins, reliquaires, lustres d'argent, d'or et oeufs d'autruche somptueusement décorés.
Ce monastère, depuis des siècles l'un des principaux lieux saints grecs a toujours été très richement doté par les grands du monde orthodoxe. Malgré les incendies, les pillages et les tueries le monastère a gardé une grande partie de son lustre et de son trésor.
Aghios Stefanos ressemble à une forteresse juchée au-dessus de la ville de Kalambaka. Et pourtant on y arrive presque de plain pied par un petit pont entouré de jardinets. Ça descend en cascade. Est-ce une des religieuses de la congrégation qui occupe de monastère qui jardine ici ? Ça doit être un peut sportif.
Quelques instruments qui produisent des sons (je devrais dire instruments de musique, mais je n'ose pas, tant ils sont rudimentaires) sont exposés sous la colonnade de la cour intérieure (rien à voir avec un cloître).
Des simandres de bois (grande et épaisse planche dans la troisième arcade) et de métal (trois lames d'épaisseurs et de tailles différentes dans la deuxième arcade, arceau de fer dans la première) que l'on frappait avec des maillets permettaient d'annoncer l'heure des cérémonies.
C'est sûrement ce monastère qui possède la plus belle iconostase en bois ouvragé. Il a fallu pas moins de dix ans à des artisans de Metsovo pour la réaliser.
Presque tout le monde connaît Aghia Triada qui servit de décor au film de James Bond où Carole Bouquet était une des belles espionnes, "Rien que pour vos yeux". C'est un endroit somptueux. On y accède en descendant la colline au-dessous de la route pour remonter ensuite par un long escalier.
On aperçoit en-dessous le "fond" du site qui est sillonné par des sentiers encore bien marqués. Des pèlerins visitent en parcourant la distance entre les monastères à pieds !
Les moines et les terrassiers qui travaillent sous nos yeux empruntent le petit téléphérique. Ils ne manipulent les matériaux qu'au sommet du rocher. Et rien que ça semble terrible par la chaleur de la journée !
C'est sûrement grâce à ces travaux et aux portes ouvertes pour laisser passer les brouettes et les seaux remplis que nous avons pû nous admirer sur la grande esplanade
les assemblages de briques des deux sanctuaires (celui de gauche du 15ème siècle). On nous a faitsortir assez vite. C'est privé !
Aller sur les sommets à l'opposé ne nous a pas été interdit. Le clocher tout nu,en occupe tout un.
Nous avons terminé nos visites des Météores par le monastère de Roussanou. Ul n'est pas appuyé contre le haut sommet derrière, et il n'y avait pas de neige sur le sommet du Pinde ce 14 juin !
C'est un tout petit monastère (enfin, il y a derrière, qui n'abîme pas du tout la vue, de grands bâtiments neufs) du 16ème siècle occupé par une congrégation de moniales.
Le catholicon, tout petit, conserve des peintures de l'école crétoise dont Domicicos Theotocopoulos plus connu sous le nom "Le Greco" est l'un des plus célèbres maîtres. Il forma Theophanis qui réalisa les peintures de Saint Nicolas Anapausas (le seul que nous n'ayons pas visité ...) qui eut lui-même Georgis de Constantinople comme disciple, auteur de ces fresques.
Qu'il est interdit de photographier a dit la novice de garde. Tout comme il n'est pas possible que je porte un chapeau ici. Ah ! même pour une femme ? Tout à fait, ça manque d'humilité.
OK, il y a plein d'interdits, mais nous sommes tombés sur une personne qui parle très bien le français et la gardons le plus longtemps possible pour qu'elle nous décode quelques unes des scènes que nous avons sous les yeux.
Le jugement dernier avec la balance qui pèse les âmes juste au-dessus de la porte. Rafael qui tient le livre où sont inscrits tous les actes dont nous pouvons nous louer. Et surtout le grand fleuve rouge de la descente aux enfers où nous pouvons voir l'ange déchu, le riche de Lazare et l'Antéchrist qui y ont été jetés ...
Dommage que nous en ayons presque fini avec les églises orthodoxes décorées de fresques, maintenant que nous détenons quelques clefs !
Dernière photo de la terrasse de Roussana avant de quitter le région où nous avonsq passé deux jours de lumière par une chaleur inimaginable ... Nous allons repartir les yeux pleins des couleurs et de l'or de l'Orthodoxie !