Royaumes himalayens - Thimphu

Samedi 14 Novembre 2009
Le soleil brille et le ciel est bien bleu ce matin au-dessus de Thimphu, capitale du Bhoutan. Grâce à une directive royale qui exige que tous les bâtiments doivent être de style bhoutanais, à une forte incitation à porter les vêtements traditionnels,  et au mode de vie très rural, la ville a une forte typicité. Elle se développe rapidement, sa population est de l'ordre de 50 000 habitants qui sont surtout des commerçants et des fonctionnaires. Beaucoup d'enseignants y sont regroupés, à tel point que le ministre de l'éducation nationale fait appel aux volontaires qui voudraient bien aller enseigner dans les campagnes ;  l'incitation sera plus vigoureuse s'il n'arrive pas aux transferts volontaires souhaités ! (Kuensel, journal bilingue bhoutanais-anglais paru pendant notre séjour). L'évaluation de la population totale du pays  grand comme la Suisse (47 000 km2), varie de 650 000 à 2 000 000 d'habitants. La fourchette est large, il faudrait envoyer des émissaires français pour leur apprendre nos techniques de recensement ...
La circulation en ville est relativement importante, mais ne nécessite pas de feux et il n'y a que trois ronds points.
Nous arrivons donc facilement au Memorial Chörten, élevé en 1974 en mémoire du troisième roi, Jigme Dorji Wangchuck. Déjà beaucoup de monde en fait le tour, les personnes âgées inlassablement.

Le roi avait fait le voeu d'honorer le Bouddha sous les trois formes de supports du bouddhisme ("Trois joyaux") : pour le Corps d'Apparition il fit réaliser 1000 statues du Bouddha, pour le Corps de Jouissance et de Parole il fit copier le Tenjur en lettres d'or mais n'eut pas le temps d'élever le chörten pour l'Esprit pur. C'est sa mère qui le fit en sa mémoire.

Dès la porte d'entrée on peut voir la qualité du travail des artisans bhoutanais : travail du bois, du bronze, de l'ardoise.




Je peux vous présenter à gauche le dernier entré parmi les personnages de "notre" panthéon bouddhiste, le Shabdrung Ngawang Namgyel (1594-1651), homme d'un grand charisme politique et religieux qui unifia le Bhoutan ; au milieu le Bouddha historique avec son index droit sur le sol et le kalapa (bol fait dans une boite crânienne) dans la main gauche un bouquet de lotus autour de la tête, et enfin Guru Rinpoché.

Voir d'un peu plus près le kalapa du Bouddha ? le voici.

Le chörten est un mandala : des carrés inscrits dans un cercle. L'iconographie est complexe ; des centaines de statuettes sont réparties sur l'ensemble du monument à trois niveaux représentant les trois corps du Bouddha. Au sommet un dais symbolise sa présence, en dessous les treize bandeaux dorés les étapes à franchir pour s'approcher de l'Eveil du bouddisme vajrayana, sûrement la forme la plus complexe de tous les bouddhismes.

Exceptionnellement et grâce à Tséring notre guide local  nous avons pu accéder au deuxième étage du monument,  qui représente le Corps de Jouissance et Parole et même au troisième, difficile de représenter l'Esprit pur !

L'école nationale d'art est notre deuxième étape. Les élèves, garçons et filles qui en sortiront diplômés travailleront à façon dans le pays à la restauration et à la création de tout ce qui touche les domaines d'art essentiellement appliqués à la religion.


Nous passons par les classes de sculpture sur bois où l'on apprend à faire des éléments de décors et des masques utilisés par les danseurs ; un masque peut peser 30 kg ! . Le pin est plus léger que l'orme, mais plus fragile.

La classe de sculpture d'argile crue nous retient longtemps. Quel savoir faire déjà pour réaliser ces statuettes si fines !
Sur une âme de bois on met des éléments fibreux qui permettent l'application des différentes pièces. Les petites pièces sont moulées dans une matrice, puis assemblées par de délicats apports de terre. Les statues sont creuses pour recevoir les reliques et les mantras.

Classes de ciselage du cuivre, de broderie pour la réalisation de costumes, de peinture, de dessin : aucune marge de liberté n'est laissée pour les déités dont les textes font une description précise.

























Il semble qu'un peu plus de créativité soit acceptée pour les tangkas.
La belle boutique juste en face de l'école nous a retenus un bon moment, tout comme la poste où nous avons trouvé des timbres pour nos cartes postales, et aussi pour nos collections. Les guides nous avaient bien dit que les timbres bhoutanais étaient beaux ! Dommage que la Banque nationale du Bhoutan ait estimé qu'il était trop tard pour aller changer quelques devises ...

























Après déjeuner nous avons découvert ce qu'est un "dzong". Celui de Thimphu s'appelle Tashichoedzong : "la forteresse de l'auspicieuse religion". Décicément la religion est absolument partout sur les flancs de l'Himalaya. Le dzong est à la fois une forteresse militaire située à un endroit stratégique, une cité administrative qui gère toute la région, et un monastère. L'histoire des plus anciens remonte au 13ème siècle. Celui-ci a été construit dans la vallée au 19ème siècle, mais a été très agrandi après que Thimphu soit devenue la capitale du pays. Il est le siège du gouvernement depuis 1969.

Ce vaste bâtiment aux toits en pagode, aux pignons dorés, aux façades ornées de bois sculptés et vivement peints a d'autant plus d'allure que le grand palais du parlement occupe l'autre rive du torrent. Quant au palais royal, caché en contrebas, un garde nous empèche d'en approcher.

La première grande porte d'apparat décorée de piliés sculptés, de grandes fresques (gardiens de la porte du nord), d'un bouddha doré est réservée au roi. La seconde, moins richement décorée est celle du peuple et des visiteurs. Notre guide a mis son écharpe pour entrer ici. C'est une obligation pour chaque Bhoutanais d'entrer en costume traditionnel et en écharpe (pour les messieurs) qui permet d'identifier le statut de chacun : jaune pour le roi, orange pour les religieux, vert pour les juges, bleu pour les parlementaires et blanc pour le peuple.

En arrivant dans la cour nous sommes impressionnés par la taille, l'harmonie et la richesse de l'ensemble. Il est évident que nous sommes dans le siège de l'administration centrale, des ministères, du bureau du roi et de la salle d'audience royale ...

Nous sommes samedi après-midi, il n'y a que quelques gardes dans la cour, et tant et tant de pigeons qu'ils laissent une odeur forte de guano sur l'ensemble.


La première cour est celle de l'administration avec la grande tour carrée qui abrite les archives nationales, des sculptures d'animaux et religieuses, généralement pas accessibles au public.
La deuxième cour est celle du monastère. Nous allons visiter le temple richement décoré.

Des fresques d'inspiration chinoise représentent la paix de l'esprit, le rite du Kalachakra ou roue du temps, quatre rois protecteurs chevauchant un mur de sang lié à l'égo, des mandalas cosmiques ; et une très belle représentation des "quatre amis" : l'oiseau mange des fruits et en rejette les graines , le lapin travaille la terre en creusant son terrier, le singe sème les graines que l'éléphant arrose avec sa trompe. Belle histoire sur l'interdépendance des choses ...
Impossible de décrire l'intérieur. Trop riche, trop foisonnant ... je dirai seulement deux mots du Bouddha doré de huit mètres de haut : gigantesque et somptueux ! Quelle accumulation de mérites !

Une dernière image de Camille et Danny avec les gardes avant de quitter cet endroit qui doit laisser au visiteur à la culture bouddhique solide beaucoup de regrets de partir déjà ; et un dernier regard au moinillon dans sa solitude du samedi.
Le marché du week-end est un incontournable de la vie de Thimphu : c'est le seul endroit et le seul moment où l'on peut acheter des légumes frais. Je ne sais pas si les herbes pillées peuvent s'acheter ailleurs. Elles sont utilisées pour alimenter les fumigations matinales offertes aux déités. La journée de toutes les familles commence par la  méditation, puis la confection des offrandes par la femme, remplir les bols des autels par l'homme. Nous avions vu à Pelling des messieurs allumer le foyer du matin.















C'est aussi ici que nous allons trouver le riz récolté les jours derniers et qui arrive déjà sur le marché, à côté de la farine de seigle grillé, des piments qui sont tous les jours sur les tables bhoutanaises et des lentilles roses.















En face du marché des agriculteurs une maîtresse de maison fait sécher des piments et de la viande de yak à sa fenêtre.
Un dernier arrêt au stade pour voir les célèbres archers (oui, Alain Malliet, les arcs bhoutans !) dans leur sport favori.


Rien à voir avec ce qui se pratique en France. Les arcs sont de bambou et de fibre végétale, les flèches de bambou au bout métallique. Il s'agit du sport traditionnel. Regardez :

Vous n'avez rien vu ? nous non plus : la cible est à 140 mètres, et vous avez vu sa taille ? Il doit falloir être vraiment bon ! Ce n'est pas impossible, les tireurs qui ont une petite écharpe de couleur (ou plusieurs) dans la ceinture sont ceux qui ont atteint la cible !
Rien à voir avec ce qui se pratique aux Jeux Olympiques. Autre matériel et autres joueurs !
Et ce soir nous allons diner dans un restaurant en ville. Ce n'est pas encore une pratique courante, même à la capitale. Ce sera d'ailleurs la première fois que nous mangerons dans un restaurant distinct de celui de l'hôtel où nous faisons étape.