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24 avril 2010 6 24 /04 /avril /2010 21:05

 

24 04 frise 224 Avril 2010

Il a fallu quitter l'hôtel Antik ce matin à 8 heures pour partir vers Ceske Budejovice, capitale régionale de la Bohème du Sud. C'était un peu tôt compte tenu des deux courtes nuits que nous avions passées ! Mais nous ne sommes pas là pour nous reposer, il nous faut faire notre dur métier de touristes, alors, quittons Prague !

Libuse profite des heures d'autobus sur l'autoroute vers Trebic (Moravie du Sud) pour nous tracer quelques unes des grandes lignes de  l'histoire du pays tchèque, références dont nous aurons besoin dans les prochains jours.

- Dès le 10ème siècle le premier Royaume Tchèque stable est constitué. Il  resta indépendant jusqu'en 1526. Quelques grands rois régnèrent pendant cette période : Premysl Otakar Ier de 1197 à 1230, favorisa le développement urbain et l'extension du royaume en annexant la Silésie et l'Autriche. Charles IV de 1346 à 1378 éleva la Bohème au rang des états européens les plus avancés. Le royaume tchèque atteignit son apogée pendant ce règne.

Royaume glorieux et puissant, mais aussi troublé en cette fin du 14ème et début du 15ème siècles sous l'influence du théologien réformateur Jan Hus dont les disciples réclamaient la confiscation des pouvoirs de l'Eglise, la réduction de l'emprise de la noblesse catholique alliée au roi germanique. Ces luttes se terminèrent en 1419 lorsque les Hussites passèrent les échevins catholiques par les fenêtres de l'Hôtel de Ville :  "première défenestration de Prague".

La même façon de régler les querelles religieuses et de pouvoir se reproduisit en 1483 :  les échevins catholiques de Prague furent  à nouveau passés par les fenêtres. Leur mort n'est pas restée dans les grandes annales puisque cette défenestration ne compte pas parmi toutes celles qui ont marqué l'histoire du pays !

- En 1526 le roi mourut sans laisser de descendant. Les Habsbourg en profitèrent pour installer un des leurs sur le trône vacant. A partir de là le pouvoir de la noblesse tchèque fut progressivement rogné, le pays recatholicisé.

- Le 23 mai 1618, révolte des bourgeois protestants tchèques qui se présentèrent au château et passèrent par les fenêtres trois gouverneurs royaux : c'est là "la deuxième défenestration" ! Et aussi le début de la guerre de trente ans qui eut des conséquences dévastatrices et plongea le pays dans une misère noire. Quelques épidémies de peste l'aggravèrent pendant cette période de domination austro-hongroise qui ne prit fin qu'en 1918, lors de la défaite des armées impériales qui marqua la fin des Habsbourg.

- En novembre 1918 l'accord de Pittsburgh approuvé par les alliés scella la naissance de la Tchécoslovaquie démocratique dont Masaryk fut le premier président. Le 1er octobre 1938 les troupes hitlériennes envahirent les Sudètes, l'occupation allemande pris fin le 5 mai 1945.

- En 1946, le parti communiste etant arrivé en tête des elections, le dirigeant communiste Gottwald devint premier ministre. La pression exercée sur les ministres démocrates était très forte ; certains démissionnèrent ; d'autres furent emprisonnés ; nous nous rappellons tous de "l'Aveu" d' Artur London.  Jan Masaryk, ministre des Affaires Etrangères et fils de l'ancien Président conserva son portefeuille, mais il fut retrouvé "suicidé" dans la cour de son ministère le 10 mars 1948. Ce "suicide" est appelé par les Praguois "la troisième défenestration".

- La révolte de 1968 qualifiée de "Printemps de Prague" se termina par l'invasion du pays par les chars russes qui ne quittèrent la Tchécoslovaquie qu'en 1991.

- En 1993 la Slovaquie et les provinces tchèques se séparèrent.

- La République tchèque entra dans l'Union Européene en 2004. La majorité de la population s'en félicite encore. Les fonds européens arrivent de façon importante et permettent de construire des routes et des autoroutes, de ravaler des villes entières et d'équiper les différentes régions d'installations modernes alors que des entreprises internationales s'installent dans le pays.

 

Nous avons traversé pendant tout ce survol un paysage de forêts, épicéas et bouleaux ; une légère brume nimbe le soleil et des lacs occupent le creux de collines.  Abel, nouveau participant propose de nous expliquer la géologie de la région !

Eh, oui ! Qui dit nouveaux arrivants, dit nouveaux talents ! Et Abel est un naturaliste éclairé, botaniste professionnel et géologue amateur.

Il nous explique que les montagnes que nous traversons sont un massif hercynien, au même titre que nos reliefs de Bretagne et du Massif Central :  montagnes vieilles de 45 millions d'années, soulevées par la poussée alpine du sud et usées par l'érosion. Ai-je bien pris mes notes, Abel ? Un peu brèves ...

Des champs de cellules photo-voltaïques bordent l'autoroute. C'est maintenant une "culture" qui se développe partout en Europe !

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Et nous arrivons à Trébic, en Moravie. Les habitants de la Bohème, les Bohèmiens disent qu'ici commence l'Orient, ce qui vexe les Moraves ... Il semble que les Bohèmiens tiennent à leur identité et ne veulent pas être pris pour des Moraves ! 

Une immense place avec quelques bâtiments anciens décorés de sgraffites, des cheminées d'usine à l'ancienne et une usine de production de chaussures de bonne qualité (Bata) sont les premieres images de la ville.

Mais ce qui nous attire ici ce sont la Basilique Saint Procope et l'ancien village juif, tous deux classés au patrimoine mondial de l'UNESCO.

 

Tout au sommet du village les bulbes de la Basilique se découpent dans le ciel. C'est le curé qui va nous la faire visiter, dès qu'il en aura fini avec le mariage qu'il célèbre.

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En attendant nous en faisons le tour, constatons qu'un chemin pavé est en cours d'aménagement, qui reliera directement l'ancien quartier juif à la basilique. C'est peut-être une restauration puisque l'activité des commerçants juifs était directement liée à la présence du monastère.

En surplomb de la ville un grand jardin est partagé entre la culture de simples et un vieux fresne majestueux.

 

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Les mariés sortent de l'église où il fait si froid que nous leur souhaitons de ne pas avoir attrapé une pneumonie ! Leurs amis leur jettent des poignées de riz, tout comme en France !rd10 04 24 141

 

 

Et maintenant c'est le moment de notre visite !

Vers 1100 un couvent bénédictin fut implanté sur la colline  au nord-ouest  de la rivière. Un peu plus d'un siècle plus tard la basilique romane a été construite. Trois couvents annexes ont été construits dans la région.

La révolution hussite et la guerre de Trente Ans n'ont laissé que des ruines qui furent utilisées comme brasserie !

La famille Wallenstein durant la période de domination de l'empire austro-hongrois, finança la reconstruction de la voute, des tours et la baroquisation de l'ensemble.

Ce qui donne un résultat surprenant et on se demande un peu comment cet édifice a pu être classé au patrimoine UNESCO.

 

Mais voici la réponse : une très belle surprise nous attend, l'entrée latérale non pas cachée sous un narthex, mais protégée par un grand abri : la Porte du Paradis du plus pur roman.

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Elle glorifie la création du monde. Six ressauts sculptés séparées par des colonnettes nues représentent chacun les plantes de glorifation, les montagnes et les collines, les vallées, les animaux et les oiseaux, les mers et les rivières, l'humanité.

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Dans une petite chapelle latérale des fresques du 13ème siècle évoquent la vie de Saint Jean Baptiste.

 

 

 

De nombreuses colonnes soutiennent la voute de la crypte dont une partie du plafond est constituée de pièces de bois du 12ème siècle non enduites, visibles en levant la tête !

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Quant aux autres parties de l'église, néogothiques, néobaroques, etc ... je n'en garde que la statue de Saint Procope qui partage la dédicace de cette basilique avec la Vierge Marie.

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Il dominait si bien le mal et le malin qu'il réussit à obliger le diable à labourer le sol de son corps !

 

Nous avons déjeuné au restaurant Ubudu (le chène) qui donne sur une place aux maisons richement colorées de bleu, rouge, jaune.

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Le "boeuf tendre aux champignons des bois et brandy" était délicieusement cuit ainsi que les pommes au four. Nous avons profité d'un banc près de la rivière pour nous reposer un peu après ce repas, et avant  la visite du quartier juif

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dont cette place fait partie.

Dès le 15ème siècle les Juifs quittèrent les grandes villes tchèques et autrichiennes pour s'établir dans de plus petites, comme Trebic. La population atteint au 18ème siècle environ 1500 personnes. Les ghettos étaient généralement aménagés pour des communautés plus importantes. Ici le quartier est délimité au nord et à l'est par la montagne, au sud par la rivière et à l'ouest par la route d'accès à la basilique. En voici la maquette.

 

 

Juste avant la deuxième guerre mondiale il ne restait plus 280 personnes qui furent déportées en mai 1942. Les 10 survivants ont émigré vers Israël, et il ne reste plus ici de communauté juive depuis 1954.

Les maisons sont en cours de restauration et les couleurs commencent à revenir le long des rues que nous avons suivies

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pour arriver à la synagogue construite en 1660. La grande entrée etait réservée aux hommes, celle utilitée par les  femmes pour atteindre le balcon où elles étaient dissimulées ne fut  aménagée qu'un siècle plus tard. Elle fut consacrée jusqu'en 1920. Elle fut ensuite utilisée comme magasin de stockage des peaux tannées dans les usines voisines. Après la deuxième guerrec'était  les pommes de terre et autres légumes qui y étaient stockés.

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Un mémorial àl'holocauste liste toutes les victimes du nazisme à Trebic, et un petit musée réunit des pièces de cérémonie et de vie quotidienne dont Michel nous expliqua les symbôles et l'utilisation. Merci pour ces éclaircissements !

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Dernier coup d'oeil sur une représentation de Trebic de 1720 avant de reprendre la route pour Ceske Budejovice où nous allons séjourner à l'hôtel Zvon qui n'occupe pas moins de quatre maisons baroques

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sur la magnifique place Premysl Otakar II, la plus grande du pays dont nous ferons le tour un autre jour.

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Car il est l'heure de la conférence de Philippe Andriot. Il y a quelques musicologues dans notre groupe, quelques mélomanes avertis, quelques musiciens amateurs tout aussi avertis, mais il y aussi quelques personnes qui n'ont aucune connaissance théorique de la musique, qui sont seulement "sensitifs". Pour eux ces conférences très techniques et aussi de vulgarisation sont essentielles et leur permettent (nous permettent car j'en fais partie) d'acquerir un peu de cette connaissance que nous n'avons pas.

Nous nous rendons à Kremze où le concert privé nous sera donné dans une jolie petite salle des fêtes très moderne. Le long de la route qui traverse des champs et des forêts nous avons pu voir de nombreux chevreuils. Quelques montgolfières se découpaient dans le soleil déclinant.

 

Ce soir le Quatuor Kocian va nous interpréter le même programme qu'en 2006 à la villa Bertramka de Prague (celle où Mozart était régulièrement reçu par ses amis Dusek),

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- un quatuor en ut de Mica, contemporain de Mozart, dont Philippe ne nous donne que quelques chiffres de production : 20 symphonies, 15 quatuors !

-  le très fameux "quatuor des Dissonances" de Mozart qui dans un cadre très classique, est d'une composition si novatrice qu'il dérangea beaucoup ses contemporains par son chaos. Certains musiciens de l'époque essayèrent  d'en corriger les accords pour le rendre plus audible !

- et enfin le quatuor en Fa majeur op 96 "Américain" de Dvorak qu'il composa lors de son séjour en Amérique où il  avait été appelé pour fonder le conservatoire de Nex york. Il fut passionné par la musique traditionnelle américaine (indienne) et la musique africaine qu'il y entendit et les méla aux mélodies d'Europe centrale pour en faire des oeuvres très singulières et typiquement américaines.

 

Reflexion de fin de concert :

"Quelle exceptionnelle chance qu'un concert privé ! Nous sommes traités comme des princes du 18ème siècle !"

 

Quant à moi j'espère ne pas avoiir rasé mes lecteurs par la longueur de cet article qui a planté le décor. Ca devrait être plus court pour les jours suivants !

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commentaires

F
<br /> Merci pour ce beau "panier" de souvenirs. Commentaires, photos superbes ... un vrai plaisir de se replonger dans ce voyage. Un beau souvenir.<br /> Merci encore.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> J'espère, Pierrette, que ta prochaine rubrique sera aussi longue et passionnante que celle-ci ! Je comprends pourquoi tu étais si souvent penchée sur ton petit carnet ... Merci de nous offrir ce<br /> magnifique prolongement à notre voyage.<br /> <br /> <br />
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