Lundi 26 avril 2010
Le retour à l'hôtel a été bien calme ce soir. Nous avions tellement d'images magnifiques dans la tête à ordonner et à savourer toutes les impressions de la journée qui fut si riche !
Nous avons commencé par une balade en ville pour glaner quelques nouvelles images, un collecteur d'eau de pluie déguisé en dragon, le musée de Bohème du Sud entouré de tulipiers en fleurs,
une façade de maison portant une scène de chasse ...
Départ à 9 heures pour le couvent de Zlata Koruna construit sur le bord de la Vltava, la rivière que Smetana a rendue si célèbre sous son nom allemand de Moldau. (Pendant toute la période de domination austro-hongroise la langue tchèque n'était plus pratiquée que dans les campagnes, l'allemand étant devenu la langue officielle.)
Les guides et les sites internet officiels nous disent que ce monastère est le mieux conservé des monastères cisterciens du territoire tchèque ...
Nous sommes tout d'abord accueillis par Saint Jan Nepomucene dans un oratoire de bois, tout simple. C'est un des saints les plus vénérés du pays. On trouve des statues le représentant un peu partout dans les villes et les villages.
Libuse nous raconte la belle histoire qui lui valut d'être canonisé en 1729 : il avait refusé de révéler au roi Venceslas IV la confession de la reine soupçonnée d'adultère. Le roi lui fit couper la langue avant de le faire assassiner puis jeter depuis le pont Charles dans la Vltava. Les historiens ont une version plus politique : il aurait plutôt été victime du conflit qui opposa l'église et le roi qui voulait la mettre sous sa férule !
Puis c'est au tour d'une jeune personne chargée de nombreuses clefs de nous accueillir, dans la cour pour nous donner les premières informations. Il fait si froid dans les bâtiments qu'elle retarde le moment d'y entrer ... (La température de nos belles matinées n'est pas très au-dessus de 0 pour atteindre 24 ou 25 dans l'après-midi.)
Le monastère fut fondé en 1263 par le roi Premysl Otakar II pour remercier Dieu de sa victoire sur le roi de Hongrie aux armées plus puissantes.Les guerres hussites n'en laissèrent que des ruines. Les moines y revinrent à la fin du 15ème siècle, et le monastère connut son apogée à la fin du 18ème. Il fut sécularisé sous le règne de Joseph II et la famille Schwarzenberg à qui il appartenait alors le loua à des industriels en mécanique, et à des brasseurs. Il fut reconstruit juste avant la deuxième guerre mondiale, confisqu"é en 1948, et maintenant est un musée national de qui témoigne de son histoire et de celle des cisterciens.
La petite chapelle rose, des Anges Gardiens, est le bâtiment le plus ancien (1270) construit sur le modèle de la sainte chapelle (!) pour abriter une épine de la couronne que St Louis avait offerte au monastère mais qui aurait disparu pendant les guerres hussites.
Aujourd'hui elle abrite un retable du 15ème siècle ainsi que douze tableaux de la même époque qui représentent le martyr des apôtres. Ça n'a pas été sans intéresser les spécialistes de l'anatomie du groupe !
Cette chapelle, au moment de l'industrialisation du lieu avait été transformée en logements pour les ouvriers. Reconsacrée en 2002 est sert maintenant pour des cérémonies de mariage.
Un étage est construit au-dessus où la biblithèque de l'académie conserve des incunables.
Nous avons pu admirer quelques beaux documents dans la bibliothèque du monastère parmi lesquels j'ai choisi, on ne se ferait pas, un herbier de 1563 et une carte représentant les implantations cisterciennes en Europe. Particulièrement savoureuse cette carte qui serait du début du 18ème siècle (je suis très surprise de cette date compte tenu de l'approximation géographique ...)
Galerie des portraits. Des médaillons aménagés dans le plafond pour recevoir l'image des abbés, vides aujourd'hui. Les tableaux qui sont réunis là appartenaient à la famille Schwarzenberg qui les avait protégés dans un autre monastère et rendus ensuite. Parmi eux se trouve la représentation d'un tilleul des suppliciés : pendant les conflits religieux des moines y ont été pendus.
Le réfectoire a un air opulent, mais on y mange avec modération du poisson et peu de viande, pendant qu'un des moines fait la lecture pendant toute une semaine. L'abbé prend ses repas dans son appartement, et participe peu à la vie de la communauté. La vaisselle qui est réunie dans cette salle provient de châteaux voisins. Cette pièce fut un atelier de mécanique pendant de nombreuses années.
Mais que dire du cloître ? Il en a laissé plus d'un perplexe ... Car la richesse du décor baroque nous parle bizarrement: "Vous avez dit cistercien ? Ah, cistercien ..."
Encore plus fort, nous sommes restés cloués quand nous sommes entrés dans la grande église.
Le choeur était insupportablement baroque. Des ors, du faux marbre, des angelots, des nuages genre chantilly accumulés en grand nombre ... Qui ne serait pas choqué par les excès et la lourdeur de la contre-réforme telle qu'elle a été illustrée ici ? On peut rêver que les restaurateurs y sont pour quelque chose ... (Ceci est une reflexion totalement personnelle). Michèle m'a dit que c'était "too much ! " C'est gentil de le dire ainsi.
Nous quittons Zlata Koruna surpris et interrogateurs. Heureusement qu'un tilleul vieux de nombreux siècles et consolidé de tant de pierres et de briques sont permet de changer de sujet.