24 Septembre.
Nous avons quitté Dilijan avec tous nos bagages (une vraie chance) pour revenir vers le sud. Mais d'abord nous avons salué les héros d'une légende très populaire, un Russe, un Géorgien et un Arménien qui discutent sur les qualités de leurs eaux nationales : celle de Dilijan serait-elle la deuxième meilleure du monde ? Non seulement un monument leur a été dédié, mais un film, MINIMO, relate cette histoire ; très apprécié par les Arméniens, il dénonce quelques uns des travers des protagonistes. Ça reste un peu mystérieux pour nous ... Mais nous pouvons goûter l'eau !
Nous avons repris la même route qu'hier, par la montagne escarpée boisée, le tunnel puis les montagnes rondes couvertes de végétation sèche. Nous nous sommes arrêtés à un supermarché au milieu de nulle part, qui fait beaucoup penser à Bagdad Café. C'est surtout la poissonnerie que Sona voulait nous montrer. De nombreux aquariums à l'eau plus ou moins claire sont occupés par des poissons plus ou moins vifs, pêchés dans le lac Sevan voisin. Il y a beaucoup d'écrevisses proposées. Jamais vu d'aussi grosses ! Le choix de poissons fumés est impressionnant, l'esturgeon y a une bonne place.
On y voit aussi la fabrication industrielle des pains traditionnels, le lavash. C'est peut-être comme ça qu'est fabriqué celui servi dans les avions qui ne nous a pas impressionnés par ses qualités !
Vers Garni nous avons fait étape à l'Arc d'Ararat. Nous avons osé croire que c'est parce cet endroit est parfait pour une photo collective sur fond d'Ararat dégagé. Mais non, l'Arc de Tcharents, autre nom de cet endroit, est un hommage au poète Yeghiché Tcharents grand chantre du Mont Ararat auquel les Arméniens vouent un culte si fort que Sona nous lut quelques poèmes. Il avait combattu auprès des troupes impériales russes contre l'armée turque au moment du génocide. Il se lança ensuite avec enthousiasme dans la constitution de la république soviétique. Mais après 1930 son ardeur décrut tant qu'il fut arrêté, et exécuté en 1937 pendant les purges staliniennes. L'hommage rendu ici est donc au poète, dans son cadre favorit.
Le glacier du mont Ararat au-dessus des têtes de Denise et Odette ! Il ne manque que Marie-France qui a dû appuyer sur le bouton pour la photo.
Les petits étals de textile, de friandises, de poterie nous ont retenus quelques minutes encore avant de reprendre la route pour Guéghard, monastère presque caché dans la montagne instable : nous avons été retenu quelques minutes par un chantier de dégagement de la route à la suite d'un éboulement qui nous impressionne, nous qui ne sommes pas habitués à ça.
Le monastère de Guéghard construit sur les escarpements dominant une vallée est en grande partie troglodyte. C'est un lieu essentiel pour l'église arménienne.
Il aurait été fondé au 4ème siècle par Grégoire l'Illuminateur près de sources sacrées, à la place d'un lieu de culte païen. Il fut pillé, détruit lors d'invasions arabes, et reconstruit au 13ème siècle. Il a abrité les plus importantes reliques arméniennes dont la pointe de la lance avec laquelle un soldat romain perça le flanc de Jésus (maintenant au musée du siège de l'église arménienne, Etchmiadzine) et un fragment de l'Arche de Noé ...
Il a été placé sous la protection d'une famille princière, les Prochian qui reconstruisirent en 1215 l'église principale.
Elle représente l'apogée de l'architecture médiévale arménienne. Son décor est exceptionnel. La porte principale a été peinte en rouge, couleur obtenue par le broyage de cochenilles. Le tympan d'une porte plus petite à gauche est décoré de séraphins qui ont du mal à placer toutes leurs ailes.
Nous avons dû rejoindre rapidement une petite église troglodyte creusée au-dessus de l'église principale où nous attendait le Garni Vocal Quintet pour interpréter des chants de Komitas, le célèbre moine musicologue arménien.
L'acoustique de ce sanctuaire est excellente. Ce fut un très beau petit concert privé que nous avons écouté avec grand plaisir et émotion. Ces chanteurs vont venir donner un concert à Saint Etienne le 15 août 2019.
Des coupoles à stalactites et lucarnes éclairent ces églises.
En 1283 une chapelle funéraire a été creusée pour recevoir les dépouilles des princes Prochian. Les parois sont décorées de nombreux khatchkars, et une arcade au sommet de piliers est sculptée : boeuf, lions à queue de dragon, aigle tenant un agneau dans ses serres. Armoiries de la famille princière ou all&égorie de l'ascension du Christ ?
Des grottes et des caches ont été creusées autour des nefs. De l'une sourd la source sacrée, une autre devait dissimuler la pointe de la lance, et plusieurs furent des cellules de moines.
Nous avons un peu de temps pour "explorer" ce lieu compliqué, chacun à sa guise. Des ex-voto gravés sur les parois,
une porte richement sculptée et ornée de beaucoup de symboles,
la coupole elle aussi très travaillée,
et Camille qui discute avec James auprès du petit pont de pierre qui conduit à des endroits de pic-nique. Mais c'est déjà le moment de repartir !
Repartir ? Mais pas sans s'arrêter devant tous ces étals de spécialités locales de fruits secs !