Trente est une grande ville exceptionnellement riche en histoire, très proche de Rovereto où notre guide Maddalena nous a accompagnés pendant une belle promenade-visite.
Dans la vallée de l'Adige, elle est un point de passage obligé entre le Tyrol et la Vénétie. Les Romains l'avaient colonisée ; dès le 4ème siècle elle fut le siège d'un évêché, et au 10ème siècle elle devint partie du Saint-Empire romain germanique, gouvernée par des princes évêques sous l'autorité de l'empereur.
C'est pour accueillir le souverain et accompagner sa progression jusqu'à la cathédrale que fut conçue la large via Belenzani par laquelle commence notre visite.
Des palais richement décorés la bordent car la ville devait être élégante pour accueillir ses importants visiteurs : les propriétaires sont "invités" à décorer leurs façades ... Le palazzo Geremia construit à la fin du 15ème siècle est "l'un des meilleurs exemples de l'architecture de cette époque à Trente". L'assemblage des pierres et le décor des fenêtres sont de style vénitien.
La technique de réalisation des fresques est semblable à celle employée à Vérone et à Vicence. Les thèmes représentés sont historiques ou moralisateurs. Ici les rencontres entre les maîtres de maison et l'empereur Maximilien Ier sont largement représentées. Une grande partie est effacée, mais ce qui reste est tellement beau qu'on se croirait encore en Renaissance !
Ce palais accueillit le légat papal pendant le concile. Mais accueillir ce personnage, c'était offrir le gite à une délégation de 62 personnes et 19 cavaliers ! Don c'est grand, avec le premier bâtiment et la première cour pour les maîtres, la seconde pour les domestiques et ensuite la basse-cour.
En face le palazzo Thun accueillit, comme tous les palais quelques dignitaires et leur escorte. C'est maintenant la mairie. C'est aussi "un des meilleurs exemples de l'architecture de l'époque à Trente", comme d'ailleurs, nous le verrons un peu plus loin, tous les palais décorés de fresques du centre ville ! Le décor ici reproduit un assemblage de pierres de taille, également en vogue à la Renaissance.
Ensuite je n'ai pas retenu ou noté le nom des autres palais de cette belle rue, seulement quelques photos.
Nous sommes arrivés sur la Piazza Duomo tellement encombrée que nous ne pouvons avoir de vue d'ensemble de la belle façade nord de la cathédrale. Même la fontaine de Neptune semble coincée entre les véhicules et les kiosques en cours de démontage.
Alors tournons leur le dos pour regarder la façade d'un palazzo avec ses fresques magnifiques et moralisantes.
Et en particulier celle de la difficulté qu'a un homme à gravir l'échelle de la vertu et de la perfection au pied de laquelle de si nombreux tentateurs lui font obstacle. Même la mort guette derrière.
Sur la vaste place du Duomo, il y a un traditionnel tilleul. C'était sous ses branches qu'avait lieu la vente à l'encan des biens des faillis. Cette coutume donna naissance à une expression populaire régionale : "Attention à ne pas finir sous le tilleul" !
Nous allons vers la cathédrale de style roman lombard. A partir de 1212 l'architecte Adamo d'Aragno en commença la construction à l'emplacement d'une modeste église ostrogothe. Les travaux durèrent un siècle. Sur la place le grand mur n'est percé que par de rares et hautes fenêtres aux voussures multiples, une porte relativement modeste Renaissance, protégée par un auvent aux piliers soutenus par deux lions stylophores. Une rosace est décorée d'une grande roue de la Fortune de facture très dépouillée.Tout en haut une galerie avec de fines colonnettes confère un peu de la légèreté à l'ensemble.
Les hauts dignitaires arrivaient jusqu'à cette porte à cheval. Et parmi eux les princes-évêques qui furent particulièrement nombreux pendant la tenue du célèbre concile, de 1545 à 1563.
Chargé de répondre à l'agression de la Réforme luthérienne et de rétablir la crédibilité et l'autorité de l'Eglise, il élabora des points de doctrine, une nouvelle organisation du culte, la formation des prêtres, de nouvelles règles de discipline et établit de strictes règles de discipline visant en particulier les évêques. C'est également ce concile qui prit le contrepied de la Réforme et établit de nouvelles règles d'organisation des cultes et de leur architecture donnant ainsi naissance aux décors baroques.
cloture du concile par Paolo Farinati (1524-1606)
L'intérieur de la cathédrale est très contrasté, avec sa nef gothique. Le décor des chapelles est baroque, et c'est bien la moindre des choses ici ! La montée d'escalier qui conduit aux clochers est un bel élément architectural. Il en était prévu un de chaque côté, mais le deuxième n'a jamais été construit.
L'heure avance, et Maddalena a pris un rendez-vous que nous devons tenir pour la visite de la tour de l'Aigle. Nous avons cheminé vers le Castello del Buonconsiglio le nez en l'air, il y a toujours quelque fenêtre, statue de saint, piéta ou avancée de toit à regarder dans Trente !
Le château, résidence des princes-évêques est très imposant, vaste Et nous avons traversé des jardins, monté des escaliers, parcouru des couloirs étroits et parfois sombres avant d'arriver à la Torre d'Aquila où nous étions attendus. Et nous comprenons pourquoi nous devions respecter l'heure. Il n'y a qu'une salle à voir, et elle est si petite qu'il n'est pâs possible à deux guides d'accompagner leur groupe en même temps.
Ses murs sont couverts de fresques peintes au 14ème siècle, incroyablement fraîches, Un artiste inconnu venu de Bohême les réalisa pour le prince évêque Giorgio di Leichtenstein qui avait transformé cette tour de garde en domicile visiblement luxueux.
C'est un grand livre d'heures. Elles représentent "les Travaux des Mois". Enfin, travaux ... au premier plan, en bas nous voyons les nobles qui se livrent à leurs loisirs alors qu'au dessus sont représentés les paysans et les artisans au travail. Même avant l'invention de la perspective en peinture c'est fabuleux !
La minutie des détails est incroyable, et l'on voit bien passer les saisons d'un mois à l'autre, des batailles de boules de neige de janvier, les récoltes de l'été, la chasse et les feuilles mortes de novembre. Il est communément admis que le peintre se serait inspiré d'un précis de médecine et de botanique que possédait le prince, bibliophile raffiné, pour peindre avec tant de réalisme.
Fastueux, ça l'était déjà au 14ème siècle et les dépenses de ce prince furent jugées somptuaires par le bon peuple de la ville. Une insurrection nécessita l'intervention du comte du Tyrol qui obligea le prince-évêque à l'exil, l'année même où les fresques furent terminées.
Nous avons traversé de nombreuses pièces richement décorées du MagnoPalazzo, partie Renaissance (16ème siècle) du château, d'autres du Castelvecchio (13ème, 15ème siècles) pour arriver jusqu'à la très belle loggia aux ouverture trilobées. De cet endroit largement ouvert sur la ville les prince-évêques s'adressaient à la population.
Nous avons encore traversé des salles de musée où une exposition présentait l'histoire de Cesare Battisti (1875-1916) dont nous voulons savoir quelques mots. Né austro-hongrois, journaliste favorable au rattachement de la région du Trentin de langue italienne (?) à l'Italie, élu député en 1911 il continua à se battre pour cette cause. Il s'engagea dans l'armée italienne contre l'empire en 1915. Il fut fait prisonnier le 10 juillet 1916 et pendu dans les fossés du château le 12. C'est un héros du Trentin italien.
Cependant les graffitis que nous avons vus sont beaucoup plus anciens et certains font penser à Jérome Bosch
L'après-midi était libre, et la ville a suffisamment de musées et de belles demeures et boutiques pour ne pas s'ennuyer avant de nous retrouver au bar de Tridente, sur la piazza du Duomo où j'ai tenu à faire découvrir une boisson très italienne, le spritz, amère, pétillante et rafraîchissante elle a une belle couleur orange chimique qui fait un contraste agréable avec les nappes bleues !